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Appel à communications
Le singulier L’idée d’une singularité du Japon a orienté la production de nombreux discours, scientifiques ou non, sur ce pays. Qu’il ait pris la forme du génie national, de l’unicité ethnique, de l’exception culturelle, ou de la spécificité linguistique, ce cadre d’analyse a également alimenté les approches culturalistes et les « nippologies » (nihonjinron). Ce regard a été largement déconstruit au sein des études japonaises durant les dernières décennies, notamment grâce à un travail d’historicisation de cette supposée singularité. Toutefois, même s’il exige d’être interrogé, le Japon comme objet de savoir n’est pas générique – et les japonologues fondent bien leurs pratiques scientifiques et leurs discours sur le Japon sur des compétences propres : comment penser le caractère singulier de leur méthodologie ?
Le « singulier » peut aussi être l’occasion d’une réflexion épistémologique sur les objets d’étude de la japonologie, ainsi que sur les relations qu’ils entretiennent à l’objet « Japon » en tant que tel : dans leur singularité propre, que disent-ils, ou ne disent-ils pas, du Japon ? Et, dans le contexte contemporain de la globalisation, de quelle manière envisager les manifestations d’une singularité japonaise lorsque les influences sont mutuelles et réciproques ? Il convient également, avec la prudence requise, de s’interroger sur les biais inhérents à la discipline elle-même : dans quelle mesure les catégories et concepts utilisés pour étudier le Japon sont-ils eux-mêmes les produits de dynamiques globales ou de paradigmes occidentaux ? Comment peuvent-ils par ailleurs entraver ou inversement faciliter la constitution d’un savoir spécifique sur un objet à la fois lointain et immanent au chercheur ?
La notion de « singulier » ne se limite toutefois pas à un hypothétique singulier du Japon : elle ouvre aussi la question du singulier, et des singuliers, au Japon : quels sont les horizons d’attentes, historiquement et socialement construits, vis-à-vis desquels certains phénomènes peuvent être perçus et définis comme « singuliers », originaux, voire étranges ? Et comment ces derniers sont-ils évalués ? On sait par exemple que le régime moderne des œuvres d’art tend en grande part à reposer sur des dynamiques de distinction qui mettront en valeur la spécificité sinon l’originalité des productions au sein d’un marché fortement concurrentiel. Comment cette valorisation, qui s’inscrit chaque fois dans des configurations culturelles propres, se traduit-elle dans le cas japonais ? Observe-t-on aussi, par opposition, des stratégies d’uniformisation visant à estomper les spécificités ? La langue japonaise elle-même peut être interrogée dans ses singularités. La diversité dialectale du Japon, souvent sous-estimée ou réduite, révèle une richesse bien éloignée de l’idée d’une langue unique et uniforme. Le japonais standard, bien que construit comme la norme linguistique nationale, coexiste avec une multitude de dialectes régionaux et sociaux, chacun porteur de spécificités phonétiques, lexicales et grammaticales. Ces variations linguistiques mettent en lumière des processus de différenciation et de hiérarchisation qui s’inscrivent dans des dynamiques sociales plus larges. On peut songer notamment aux phénomènes d’ostracisation des populations minoritaires, qu’elles soient issues ou non de l’immigration, qui se voient singularisées du fait de leurs différences ethniques, culturelles, linguistiques, par rapport à une population dite majoritaire, pensée comme homogène.
Ces quelques questions, non limitatives, peuvent constituer autant de pistes pour le thème du prochain colloque. Nous proposons ainsi aux participant·e·s d’explorer la notion de singulier dans leurs disciplines respectives. Les propositions sans lien avec le thème du colloque pourront également être considérées. Une attention particulière sera accordée aux propositions qui émanent de doctorant·e·s et de jeunes chercheur·euse·s, ainsi qu’aux panels déjà constitués.
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